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La SonntagsZeitung attaque le conseil fédéral en frontal
Jusqu’ici, la presse suisse était restée largement alignée derrière le gouvernement soulignant la tâche difficile qui est la sienne. Ce matin, Arthur Rutishauser, rédacteur en chef de la SonntagsZeitung et patron des rubriques non locales des titres alémaniques de TX Group (Tamedia), change de ton et ose la critique directe face aux autorités: “Ca suffit avec le confinement”
Depuis que le déconfinement est devenu une option, les polémiques ont enflé: celle du masque, aide aux indépendants, mesures pour les écoles, les EMS… Avec l’annonce de son plan le jeudi 16 avril, le conseil fédéral, d’abord quasi intouchable, a essuyé quelques nouvelles critiques sur le mode: “pourquoi les coiffeurs et pas nous, les restaurants”. Le lendemain de l’annonce, les commentateurs de la presse suisse ont donc bien souligné quelques incohérences du plan, les difficultés à le mettre en vigueur (par exemple pour les écoles), mais le ton est resté conciliant et plein de compréhension. Pas de remise en cause générale du bien fondé de la politique de déconfinement. Le conseil fédéral navigue à vue, on le sait bien. Il a dû choisir une voie étroite, comme Alain Berset l’a souligné dans la Matinale de la RTS ce vendredi-là. Il doit jongler entre les dégâts économiques d’un maintien des mesures de déconfinement et les morts potentiels d’un relâchement trop rapide.
Personne dans la presse romande mais aussi alémanique n’a remis en question les fondements du plan, sauf la NZZ puis la SonntagsZeitung ce dimanche. Le média des milieux économiques est sorti du bois le premier pour marquer clairement sa désapprobation. Son “rédacteur en chef de l’économie”, Peter A. Fischer, relève qu’un effondrement de l’économie suisse signifierait des pertes de 500 millions par jour. Or, précise-t-il, l’effondrement menace et il aura des répercussions plus graves que celles qui ont suivi la crise financière de 2008. Sur l’autre plateau de la balance, continue l’éditorialiste, “il y a à peine mille morts du Covid-19”.
Il incite donc le conseil fédéral à faire le (bon) calcul. Et de réclamer davantage de “courage” pour prendre des mesures d’allègements par catégories. “C’est bien le déconfinement et non pas le chemin vers le déconfinement qui est le but visé”, rappelle-t-il aux autorités avant de conclure “qu’il n’y a pas de protection sanitaire de haut niveau sans une saine économie, comme le démontre le cas de l’Italie”.
Ce dimanche, attaque plus frontale encore contre le plan de déconfinement : “Le confinement ça suffit” (“Es reicht jetzt mit dem Lockdown”, titre la SonntagsZeitung sous la plume de son rédacteur en chef Arthur Rutishauser qui est également le patron du contenu non local de l’ensemble des titres du groupe TX Group (anciennement Tamedia). Il a du poids et n’y va pas par quatre chemins. “Si l’on poursuit le régime actuel, jusqu’à ce que les conditions autorisent une levée de l’alerte, les dégâts humains seront bien plus importants que ceux que le coronavirus pourra provoquer”. Et de se concentrer sur la priorité numéro un à son avis, soit de permettre le contact des plus âgés avec leur famille. Le conseil fédéral aurait totalement failli ayant rien proposé pour satisfaire ce qui est une priorité, aux yeux du journaliste.
La conclusion d’Arthur Rutishauser vise et critique large: “Cela suffit avec le confinement: il faut un plan pour l’ouverture de l’économie et de la société. Le conseil fédéral doit revoir sa copie”.
Deux poids lourds de la presse alémanique traitent la crise et le conseil fédéral de façon plus incisive. Vont-ils provoquer ou libérer d’autres critiques, plus acerbes, au fur et à mesure que la frustration d’un plan par étapes monte? Pas impossible que la communication et l’information changent résolument de ton dans les semaines à venir.
Pierre Ruetschi, journaliste, directeur du Club suisse de la presse