- Antivrus sur la RTS: une émission en mode start-up
- Covid-19 va-t-il doper ou achever la presse?
- Comment la presse romande a gagné la première bataille
- L’OMS lance un robot pour stopper les fake news sur WhatsApp
- La disparition de la presse locale finit par augmenter les impôts. Voici pourquoi
- La SonntagsZeitung attaque le conseil fédéral en frontal
- 800’000 « spectateurs » assistent aux conférences de presse du conseil fédéral
- A Genève, une ONG recense les victimes du Covid-19 dans la presse
- Le graphique du Financial Times qui en dit (trop) long
- Quand le virus rend la presse créative
- Majority of the world’s countries are defenseless against Covid-19
- Coronavirus: pétition contre Tamedia qui finit par maintenir les salaires des journalistes
- Projet d’aide à la presse: tiède accueil de quatre réds chefs
- Comment la Tribune de Genève va couvrir la crise avec 1 journaliste sur 5 de moins
- Des logiciels pour surveiller les télétravailleurs
- « La rédaction de la RTS a été touchée au coeur »
- 20 Minutes perd la moitié de son lectorat
- Avec la crise, les jeunes plébiscitent une TV publique sous haute pression
- Médias: à bout de souffle mais si nécessaires
- Covid-19 is stirring a witches’ brew for journalists
- La presse post-virus face à son avenir
- Presse à la dérive: l’aide d’urgence est… remise à plus tard
- Le contenu du plan d’urgence pour la presse et ce qui l’a fait capoter
- Romaine Morard: “Je ne sors jamais la tête. Ca ne s’arrête jamais”
- Aide à la presse: espérons que les médias ne se saborderont pas
- The Covid-19 pandemic is being weaponized to suppress media freedoms
Covid-19 va-t-il doper ou achever la presse?
20.03.2020
On dit que l’argent est «le nerf de la guerre». Ce n’est pas le cas dans le combat planétaire que nous livrons aujourd’hui contre le nouveau coronavirus. Les États seraient prêts à payer n’importe quel prix pour garantir l’immunité contre le virus et assurer la protection de centaines de millions de personnes en danger. Trouver l’antidote au Covid-19, sous forme de vaccin ou autres mesures, n’est pas une question d’argent, mais bien une question de connaissances, de compétences, de sens de la responsabilité individuelle et de qualité de l’information.
Ce dernier point est crucial alors que le monde sombre dans ce qui sera probablement reconnu demain comme la plus grave crise globale depuis la Deuxième Guerre mondiale. La planète est en état d’urgence. Et sans une information parfaitement transparente, vérifiée, utile, rapide et distribuée à tous par des canaux fiables, la guerre contre le virus est perdue d’avance. Car si les gens sont mal informés sur les mesures à appliquer, qu’ils ne les comprennent pas faute de contexte et d’analyse, qu’ils ne disposent pas des références à la situation ailleurs autour du globe, ils ne s’y conformeront pas. Et là, le Covid-19 aura l’autoroute devant lui. Scénario noir qui, heureusement, ne se dessine pas.
Jusqu’ici, au moins sur le front suisse de ce combat multiforme, l’information circule et répond, aussi bien que possible, aux besoins de la population. Les médias traditionnels, tous types confondus, font leur travail d’information avec engagement, voire bravoure. L’intérêt public, régulièrement convoqué pour justifier l’existence de la presse et ses enquêtes les plus dérangeantes, prend aujourd’hui une autre dimension, quasi sacrée. Comme le personnel soignant et associé, ainsi que le personnel des magasins d’alimentation, les journalistes fournissent un service de première nécessité.
On peut le dire sans le moindre cynisme, cette crise peut permettre à des médias traditionnels en mal de crédibilité de renouer avec leur public. Tout est entrepris pour ne pas rater ce rendez-vous avec une information qui va faire l’histoire. Pour écrire cette chronique, j’ai échangé par mail ou téléphone avec six rédacteurs en chef de la presse romande pour mieux comprendre les dispositifs mis en place et les pièges posés par le virus.
Premier constat, ils ont pris toute la mesure de la responsabilité qui est la leur. On ne feint pas, on ne dramatise, ni ne relativise inutilement. Du tsunami aux attentats de Paris en passant par le 11septembre ou Fukushima, on connaît bien cet effet de galvanisation des troupes et de rassemblement des forces. Quand une rédaction travaille sous la pression d’un énorme événement, en général elle se surpasse et fonctionne mieux que jamais, sans éviter tous les dérapages.
Une différence cette fois pour les journalistes de beau temps que nous sommes: l’ennemi s’est installé au bas de la rue et menaçait de s’immiscer dans les rédactions. Tout collègue et toute source peuvent être contaminés ou contaminables. C’est à la fois un défi et une responsabilité supplémentaires très particuliers auxquels les patrons font face. Technologie aidant, ils ont vidé les newsrooms pour les reconstituer en réseau, chacun chez soi. La journée commence par des conférences vidéos à plusieurs dizaines, chaotiques les premiers jours, et se poursuit sur des «chats» ouverts à tous le reste de la journée. Tour de force et changements dramatiques pour des professionnels dont le métier se base sur le contact rapproché.
Ces jours, la presse montre un visage rassurant: sens de la mesure et des priorités (les râleurs patentés du «vous en faites trop» ont miraculeusement disparu), vérification et utilité de l’information, datajournalisme à son top, refus de polémiques «scrounchy». L’effort paye. Toutes les rédactions consultées constatent une explosion de la fréquentation des sites internet. Souhaitons que le degré de satisfaction suive la même courbe. À vérifier.
Mais combien de temps tiendront ces rédactions déjà exsangues et laminées par la crise financière de la presse? Si le lectorat (en ligne surtout) explose, la publicité, elle, s’est massivement effondrée. Certains évoquent déjà le chant du cygne des médias traditionnels, d’autres annoncent leur revitalisation. Paradoxalement et en ce jour, la presse n’a jamais été aussi indispensable et lue d’un côté qu’affaiblie de l’autre.
Il faudra attendre la disparition du Covid-19 pour savoir si la presse peut et doit survivre. Au final, c’est le public qui tranchera.
Pierre Ruetschi, journaliste, directeur du Club suisse de la presse
publication et copyright @Tribune de Genève