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Comment la presse romande a gagné la première bataille
Entendu ce mardi matin à la Matinale de la RTS: “Le message sur le coronavirus passe de mieux en mieux. Je pense que les médias font un excellent travail en donnant des informations fiables”. C’est Valérie d’Acremont, médecin à Unisanté Vaud et spécialiste des maladies infectieuses, qui l‘affirme au cours d’une analyse limpide de la pandémie. Le compliment à la presse est suffisamment rare et important pour qu’il soit relevé. Depuis le début de la crise sanitaire, la mission des médias est devenue cruciale, cela au moment même où le coronavirus les contraint à se réorganiser de fond en comble.
La pression est énorme. Les rédactions sont sous stress test et jouent un peu de leur avenir alors que les attentes et besoins du public sont immenses. Alors comment allier la sécurité des journalistes, les nouvelles méthodes de travail mises en place à la hussarde chamboulant toutes les habitudes de fonctionnement tout en livrant une information de haute qualité? Nous avons posé la question dès le début du confinement la semaine dernière à six rédacteurs en chef de quotidiens (et un pure player) romands.
Premiers constat. Depuis le début de la semaine dernière, les newsrooms, en général de grands open spaces, sont vides. Que ce soit au Temps, à la Tribune de Genève, à 24 Heures où encore à La liberté les journalistes ont été priés de travailler depuis chez eux. Et les rédacteurs, pas tous technophiles, ont dû s’initier sur le champ aux “Hang Out” (visioconférence de Google), Skype ou Zoom qui sont devenus les nouveaux cordons ombilicaux de journalistes habitués à travailler en proximité physique avec leurs collègues. Le classique “Tu me changes ce titre coco”, lancé par dessus l’épaule, c’est terminé. Et les rédacteurs en chef découvrent avec plus ou moins de bonheur et d’expérience la visioconférence incluant plusieurs dizaines de journalistes. “A la première conférence, tout la rédaction s’est progressivement connectée. 20, 30, 50. Je n’étais pas certain qu’on avait la licence pour davantage de personnes. Mais ca a tenu. On a fini à plus de 70 journalistes autour de la “table” “, relève Gaël Hürlimann, rédacteur en chef avec Stéphane Benoît-Godet du Temps.
Au Courrier, le corédacteur en chef Benito Perez souligne que sa “petite équipe avait l’habitude de communiquer souvent informellement. Aujourd’hui devons apprendre dans l’urgence à échanger autrement. En même temps, le fait que vous avons tous l’habitude de travailler de façon autonome est, en ce moment, extraordinairement précieux”. Cette distanciation physique rend la tâche de choix de sujet, de leur définition, de leur discussion surtout, puis de leur mise en ligne et mise en page sensiblement plus complexe. Serge Gumy, rédacteur en chef de La Liberté, Frédéric Julliard (Tribune de Genève), Claude Ansermoz (24 Heures) font un même constat. Tout prend beaucoup plus de temps. “Il est nettement plus difficile qu’avant d’avoir une vue d’ensemble du journal et de son contenu”, affirme Frédéric Julliard tandis que son alter ego de 24 Heures, Claude Ansermoz, explique: “Nous devons parfois réduire la pagination, non pas par manque de matière mais pour respecter les délais d’impressions”.
Tous ont mis en place un “Slack”, le nom d’une messagerie de type Whatsapp sur ordinateur, qui permet de s’échanger des messages en permanence, avec traces, beaucoup plus aisément que par mail. Entre les canaux SMS, mails, Whatsapp, Slack, téléphone et vidéoconférence, utilisés en groupe à géométrie variable, la cacophonie menace en permanence. “C’est effectivement un risque, relève Gaël Hürlimann du Temps. Chaque moyens de communication a ses spécificités. Il faut les hiérarchiser et leur attribuer à chacun un type de communication pour éviter la confusion générale”. A Slack, l’info rapide, avec les mails on pose les questions à un peu plus longue échéance tandis que le téléphone reste l’outil “un à un” rapide, efficace qui permet de régler les choses et de s’en assurer dans la seconde. Le rédacteur en chef du Temps s’est fendu dès le premier jour d’un mode d’emploi pour communiquer efficacement.
Au global, les rédactions se sont rapidement adaptées à cette nouvelle façon de faire, tout cela sous contraintes du confinement familial que l’ensemble des citoyens connaissent bien désormais. Le reportage terrain se poursuit mais en respectant la distance sociale. Mais les téléphones chauffent encore plus qu’avant.
Le résultat? Des journaux complètement revus consacrés souvent à plus de 90% au coronavirus, de nouvelles rubriques, des sites web enrichis de datajournalisme et autres nouveaux formats. Et des journaux print qui continuent d’être imprimés puis livrés à domicile presque comme si la vie se poursuivait normalement.
Plus que jamais la presse se voit confirmée dans un rôle de service public. On l’a dit: pour gagner la guerre contre le coronavirus, il faut commencer par gagner celle de la communication. Et force est de constater que les médias ont remporté une première bataille, celle d’une information de qualité sur la crise et d’une réorganisation éclair. “Du côté de la population comme des autorités, notre travail est très apprécié. Sur Vaud, nous sommes considérés comme la source principale d’information, fiable de surcroît”, explique Claude Ansermoz.
“Il faudra tenir la distance”, lâche, de son côté, Serge Michel, directeur éditorial de Heidi News, le pure player (web seulement) qui fête sa première année d’existence ces jours. Petite rédaction basée à Genève d’une dizaine de journalistes avec des correspondants dans plusieurs villes en suisse et à l’étranger, Heidi dit bénéficier de son agilité de jeune start up pour s’adapter vite. “Toute la rédaction a été redirigée sur la couverture du coronavirus. Nous avons lancé une nouvelle Newsletter quotidienne dédiée à la crise avec des correspondants auprès de quelques grands hôpitaux ”, se félicite Serge Michel.
Même tendance dans la presse régionale comme au quotidien fribourgeois La Liberté: “Les forces de travail ont été réalouées à des rubriques très sollicitées. Au cours de cette crise, notre titre réaffirme son utilité sociale et citoyenne”, confirme Serge Gumy, son rédacteur en chef, qui tient à souligner juste encore un point: “je travaille avec de sacrés pros qui acceptent les contrariétés de la situation pour continuer à servir leurs lecteurs. Admirable!”
Pierre Ruetschi, journaliste, directeur du Club suisse de la presse