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Aide à la presse: espérons que les médias ne se saborderont pas
Publié le 18.05.2020. Par Pierre Ruetschi, journaliste, directeur du Club suisse de la presse (paru dans la Tribune de Genève)
Jamais paradoxe ne fut plus criant. La presse est à la fois plus nécessaire et plus affaiblie que jamais. Au fond du gouffre sur le plan économique, elle se trouve à son apogée sur le plan de l’audience.
Le Covid-19 est un formidable révélateur de nos contradictions. Et si le coronavirus déploie des effets ravageurs sur nos sociétés, il jette une lumière crue sur des réalités dont, en temps normal, les citoyens détournaient les yeux. Ainsi, même les détracteurs patentés des médias sont aujourd’hui forcés de reconnaître qu’ils sont utiles en temps de crise. Car sans journalisme, sans faits vérifiés, sans analyse du contexte et du bien-fondé des décisions, sans critique des options de déconfinement, sans points de vue alternés, sans débat sur l’insoutenable équation du «coût du mort», sans rappel des gestes vitaux, sans toutes ces informations, traitées, hiérarchisées, organisées par des médias libres, la lutte contre coronavirus était une bataille perdue d’avance.
Comme tous les autres acteurs de ce drame planétaire, les médias ont navigué à vue dans une situation inédite. L’erreur fait partie du voyage. Mais reconnaissons que tous, à de très rares exceptions près, ont fait leurs trois principes cardinaux du journalisme en temps de crise: la rigueur dans la recherche de faits, la prudence dans leur diffusion et l’humilité face à des «vérités» changeantes. Les médias donneurs de leçons, polémiques par nature, appréciés ou honnis pour ces mêmes raisons, ont changé de ton. Et l’audience leur en a su gré. Littéralement insatiable, elle a consommé de la news à perdre haleine. Tous les sondages et indicateurs compilés ces jours indiquent un puissant regain d’attention et de crédibilité pour une presse qui en avait cruellement besoin.
Un immense succès, mais qui reste un succès d’estime faute de revenus. Tout le monde l’a compris. Il y a urgence. Les médias ont décroché une place dans la catégorie des biens et services essentiels parce qu’en cette période de crise ils jouent un rôle central pour le bon fonctionnement de la démocratie, cela alors que le deuxième et le troisième pouvoir avaient été mis en veilleuse. Reste à perpétuer les moyens pour assurer la tâche.
Voici donc qu’après des années de pénibles tergiversations et de lois avortées, gouvernement et parlement ont lancé des mesures croisées de soutien à la presse. Le second a demandé au premier la mise en place de mesures d’urgence, tandis que le premier a soumis au second un «train de mesures» à long terme qui sera débattu ces prochains mois. Non sans risques. Car à peine publié, le catalogue de mesures du Conseil fédéral s’est retrouvé sous le feu croisé de la critique: les grands éditeurs réclament soixante millions de plus pour la diffusion matinale par porteur.
Les petits éditeurs s’offusquent que les grands bénéficient désormais des mêmes avantages qu’eux en matière de rabais postaux. L’association des journaux gratuits s’insurge que leurs titres soient exclus du plan. L’association des «médias de l’avenir» réclame trente millions supplémentaires pour les plateformes d’information digitales, tandis que l’association des médias en ligne régionaux estime «grotesque» que leurs sites ne soient pas pris en compte sous prétexte qu’ils sont gratuits. Enfin, les syndicats professionnels exigent que les éditeurs bénéficiant de l’aide publique s’abstiennent de distribuer tout dividende aux actionnaires.
Jolie foire d’empoigne en perspective. Espérons juste qu’elle ne tourne pas au sabordage général. Question de crédibilité.
Copyright @tdg/15.05.2020