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SANCTIONS SUISSES CONTRE LA RUSSIE. Quel impact pour la neutralité? Et pour la Russie?

SANCTIONS SUISSES CONTRE LA RUSSIE. Quel impact pour la neutralité? Et pour la Russie?

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En reprenant complètement les sanctions de l’Union européenne contre la Russie, la Suisse rompt avec la prudence observée jusqu’ici dans sa politique de neutralité. Reste à savoir s’il s’agit vraiment d’une nouvelle ère pour la neutralité suisse. L’engagement inhabituel du conseil fédéral pour l’Ukraine pose une série de questions inédites aussi bien sur les rapports entre l’UE et la Suisse que sur le poids des sanctions alors que des analystes affirment déjà qu’elle ne feront que renforcer la détermination de Vladimir Poutine, ressouder les rapports entre président et oligarques et surtout qu’elles manquent leur cible.

Alors, la Suisse est-elle encore crédible pour assurer ses éventuels bons offices entre la Russie et l’Ukraine? Est-elle vraiment dans son rôle? Quels sont les risques de précédent et jusqu’où suivra-t-elle l’UE si cette dernière durcit encore les sanctions? Quel est le poids véritable des sanctions suisses et plus largement celles prononcées par l’UE et les Etats-Unis? Contribueront-elles, en faisant pression sur la présidence russe, à trouver une sortie négociée du conflit? Ou au contraire risque-t-elles de durcir les fronts et de prolonger la guerre. Quelles mesures permettront d’éviter une propagation de la guerre à d’autres pays européens, voire de l’arme nucléaire?

Ces enjeux seront discutés par quatre des meilleurs experts suisses couvrant ces questions.

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    Elles et ils ont dit, du débat «SANCTIONS SUISSES CONTRE LA RUSSIE. Quel impact pour la neutralité? Et pour la Russie?»

    par Luisa Ballin

    Mme Micheline Calmy-Rey, Ancienne Présidente de la Confédération et ancienne conseillère fédérale en charge du département fédéral des Affaires étrangères

    La Suisse est libre de prendre des sanctions pour défendre ses intérêts par une politique étrangère adaptée. Les sanctions ne sont pas contraires à sa neutralité. Elle n’envoie ni armes, ni soldats et ne met pas à disposition son territoire aérien pour les avions militaires des parties belligérantes. Les sanctions économiques ne sont pas contraires à la neutralité. Nous sommes dans le cadre de la neutralité qui a évolué. Le concept de neutralité est axé sur le respect du droit international et du droit international humanitaire.

    S’agissant de l’Union européenne, la Suisse n’a pas de marge de manœuvre concernant la politique de visas. Nous sommes parties des Accords de Schengen. La Suisse applique le droit de la neutralité et les règles du droit. Dans la guerre entre la Fédération de Russie et l’Ukraine, il y a une violation de l’intégrité territoriale d’un pays européen, une violation du droit international et du droit international humanitaire. Si elle ne défend pas cette conception, si elle ne sanctionne pas les violations du droit international, la Suisse n’est plus crédible. Si la Suisse n’avait pas sanctionné les violations du droit international, elle aurait été partisane et n’aurait plus été neutre. Vous avez vu les Suisses se réveiller et l’opinion publique suisse dire : on ne peut pas accepter ce qui se passe !


    M. Eric Hoesli, Journaliste, éditeur et auteur d’ouvrages de référence sur la Russie

    La situation de la Suisse imposait des sanctions. En termes de politique de neutralité, nous sommes à un moment charnière car elle est soumise à une révision. Cette politique a toujours été en fonction de l’opinion intérieure, qui est aujourd’hui extrêmement mobilisée derrière la cause ukrainienne et des pressions extérieures. Nous sommes dans une situation très différente du passé. Le rapport avec l’Union européenne est devenu vital. Il nous empêche d’avoir la marge de manœuvre que nous pouvions avoir par le passé en termes de politique de neutralité si elle se fait contre les intérêts importants de l’Union européenne. Nous avions un choix, qui était : dans quel camp sommes-nous ?

    Nous sommes au début d’une guerre. Du point de vue russe, installer la Suisse sur une liste de pays hostiles, révèle peut-être, une petite surprise sur l’ampleur des sanctions suisses. C’est le maximum que l’on peut en tirer. Je ne crois pas que cela va, à court terme, menacer les bons offices et le rôle d’intermédiaire que la Suisse joue avec la Géorgie par exemple. Cela aura peut-être des effets à moyen-terme. Je pense au Conseil de sécurité de l’ONU. Nous sommes un pays occidental. Nous allons prendre la place d’un pays occidental et non pas la place d’un pays considéré comme totalement neutre.


    Richard Werly, Correspondant du journal Le Temps à Paris et à Bruxelles, spécialiste des rapports Suisse-Europe

    La Suisse avait théoriquement le choix. Tous les diplomates que j’ai vu à Budapest où je me trouve m’ont dit, en off, que la situation de la Suisse n’était pas tenable. Car cela aurait voulu dire que la Suisse était partie prenante, dans ce sens, associée à la Russie. L’Union européenne l’aurait considérée comme complice de facto de l’agression russe ou en tout cas du système russe qui a conduit à l’agression contre l’Ukraine. La Suisse a démontré à l’Union européenne qu’elle est un partenaire autonome, qu’elle peut diverger sur certains sujets, mais qu’elle est un partenaire fiable, avec la décision d’appliquer les sanctions. Ce qui est essentiel quand on est entouré par les voisins que nous avons.

    Je n’aime pas que l’on utilise le mot contraignant lorsque l’on parle de la relation entre la Suisse et l’Union européenne. Contraignant veut dire que l’on n’a pas le choix. On a le choix ! On estime que l’intérêt supérieur de la Confédération et du peuple suisse est de coopérer avec l’Union européenne. C’est un choix que nous devons assumer. La Suisse reste une place qui peut abriter une médiation, mais je ne crois pas qu’aujourd’hui la Suisse puisse être le médiateur. Il n’y a pas de médiateur possible. Il faut une discussion, une négociation directe entre les parties prenantes : l’Ukraine et la Russie.


    M. Paul Dembinski, Directeur de l’observatoire de la finance et professeur à l’Université de Fribourg

    La communauté économique suisse essaie de jouer la fiabilité. Les tentations sont grandes pour faire des coups, mais les institutions ont une réputation à défendre. Cela peut aussi se faire sur une base de clients binationaux. Ce qui pose un problème, juridique, pratique et d’identification. C’est un recours qu’une banque, même si elle prend des précautions, ne peut pas facilement démonter. Cette réalité est assez importante.

    L’appel que nous avons lancé il y a une dizaine de jours portait non pas sur le renforcement des sanctions mais sur le fait de dire : Nous citoyens sommes capables d’assumer une partie de la douleur, en quelque sorte. Il faut donner les coudées franches aux gouvernements pour qu’ils serrent la vis si c’est opportun, sans nécessairement se préoccuper trop de l’opinion publique. Baisser la température d’un ou deux degrés est le genre de chose qui sont, on peut le penser, les sont des mesures supportables pour les populations occidentales. Sur la liste des pays hostiles, il y a une partie de réalité économique et une partie de gesticulations. Si on ne veut pas être sur la liste avec les Chinois, c’est malheureusement le prix à payer pour être parmi les pays amis.

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    Speakers

    Micheline Calmy-Rey

    ancienne présidente de la Confédération et ancienne conseillère fédérale en charge du département fédéral des affaires étrangères

    Eric Hoesli

    journaliste, éditeur et auteur d’ouvrages de référence sur la Russie

    Richard Werly

    journaliste au Temps, correspondant à Paris et à Bruxelles, spécialiste rapports Suisse-Europe.

    Paul Dembinski

    Directeur de l'Observatoire de la finance et professeur à l'Université de Fribourg

    Pierre Ruetschi

    Directeur exécutif du Club suisse de la presse

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