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La Suisse dénoncée pour racisme systémique. Que faire?

La Suisse dénoncée pour racisme systémique. Que faire?

Le 26 janvier dernier un groupe d’experts de l’ONU a dénoncé une situation de racisme systémique en Suisse. D’innombrables manquements sont pointés dans ce rapport préliminaire qui a fait suite à une visite de dix jours en Suisse de trois experts d’un groupe de travail de l’ONU. Le rapport final sera rendu en septembre. Le rapport préliminaire se concentre notamment sur les opérations policières incluant arrestationsbrutales, profilage racial et traitement dégradant. Les experts évoquent une “culture du déni qui entrave toute reddition de compte ou possibilité de réforme”.

Ce premier constat de des experts onusiens avait suscité de vives réactions. Si des témoignages viennent confirmer ces allégations, d’autres voix s’élèvent pour protester contre des jugements caricaturaux qui seraient peu conformes à la réalité helvétique. Alors, racisme systémique en Suisse, vrai ou faux? Quelles responsabilités? Quelles mesures prendre? Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre dans ce débat.

Elles et ils ont dit, du débat “La Suisse dénoncée pour racisme systémique. Que faire?”

par Luisa Ballin

Mme Martine Brunschwig Graf, Présidente de la Commission fédérale contre le racisme

Des exemples peuvent être donnés comme le profilage racial ou d’autres éléments de racisme systémique qui rendent l’État responsable d’agir, non pas nécessairement en changeant des lois mais en veillant à ce qu’il n’y ait ni racisme ni discrimination raciale. Même si dans la réalité cela peut se produire. La Suisse n’est pas raciste, mais des cas peuvent être en lien avec le racisme. Selon une enquête de l’Office fédéral de la statistique sur l’état d’esprit à l’égard de communautés exposées au racisme, 60% des personnes interrogées estiment que le racisme est un problème social qui doit être combattu.

La discrimination ou l’acte raciste est aussi subi par des personnes qui n’ont pas à être intégrées ici, parce qu’elles sont en général suisses ou vivent en Suisse depuis longtemps. Entre 10 et 20% de la population conserve des stéréotypes et regarde les personnes sous cet angle-là, d’abord. Ce d’abord est infernal, car il vous met d’emblée dans une situation qui n’est pas la vôtre ou qui n’est pas celle où vous souhaitez être…L’important est de savoir ce que l’autorité va faire lorsqu’elle constate que quelque chose est inadmissible. C’est là où il faut être clair et « sanctionner ».


Mme Rachel M’Bon, Co-réalisatrice et protagoniste du film Je suis Noires

Je suis née en Suisse, de mère suisse allemande et de père congolais. Dans mon film, j’avais envie de donner la parole à des femmes noires pour savoir comment on peut se construire dans la résilience, comment on peut dépasser les traumas et le stade de victime. La problématique du racisme en Suisse est particulière, il est en important d’en débattre.

La Suisse a beaucoup travaillé son image, construite pour l’extérieur, celle d’un pays neutre, qui n’a pas eu de colonies. Et qui aurait été épargnée, comme si le racisme s’était arrêté à nos frontières. Et aussi parce que l’immigration noire est arrivée plus tard. Le fait de ne pas avoir eu de colonies n’a pas empêché la Suisse de reproduire une narration, un imaginaire inspiré des nations impérialistes coloniales, ce qui a produit les mêmes types de récit sur les Noirs, le même enfermement dans des stéréotypes et des clichés négatifs. La Suisse n’a pas reconnu cette production, par les missionnaires ou des sociétés comme Nestlé qui, à l’époque, avaient l’image que les Noirs étaient des Nègres. Ce racisme, construit dans l’inconscient collectif, est encore extrêmement présent, avec ce qu’il génère de problèmes dans les populations afro-descendantes.


M. Laurent Jimaja, Conseiller administratif, Le Grand-Saconnex, président de la section genevoise de Swissaid

J’ai deux prénoms, je m’appelle Bienvenu Laurent car ma maman a eu un fils après trois filles. Le racisme est un ressenti. J’ai choisi de ne pas le ressentir. Pour dire à mes enfants métis que l’on peut le combattre et aller de l’avant.

Le racisme systémique, se sont plutôt des discriminations. Nous ne pouvons pas nous comporter comme si de rien n’était. J’ai eu la chance de rencontrer le groupe d’experts de l’ONU. À Genève, nous avions entamé un travail avec les autorités cantonales et celles de la Ville. Nous avons constitué un groupe et remis une synthèse en douze points qui relatent un certain nombre de choses. Nous sommes à un niveau où il faut trouver des solutions relativement simples que l’on peut mettre en œuvre. Dans ma position, si je constate quelque chose qui ne va pas, je peux faire sanctionner automatiquement. En république, nous avons des règles concernant certaines choses qui ne se font pas. Par conséquent on peut les dénoncer. Et il faut sanctionner ce qui ne va pas.


Mme Miriam Ekiudoko, Membre du groupe de travail d’experts de l’ONU sur les personnes d’ascendance africaine

Il existe une certaine culture du déni en Suisse. Il faut l’éliminer et ensuite nous pourrons parler des mesures à prendre.

Les conclusions préliminaires du rapport sur la Suisse sont que parmi les recommandations, il faut renforcer le mandat des institutions de droits de l’Homme et s’assurer qu’il y a une coordination efficace entre la Commission fédérale contre le racisme et les institutions nationales des droits de l’Homme. Une autre chose importante est que pour être en mesure de démanteler le racisme systémique, il est urgent de commencer par un audit national dans toutes les institutions pour les personnes d’origine africaine…Je voudrais faire passer un message universel pour tout le monde, qui s’applique aussi à la Suisse. Si un membre de la société souffre d’une injustice, l’injustice est faite à tous. Nous, personnes de descendance africaine, ne demandons aucun privilège. Ce que nous demandons, c’est simplement le droit à l’enfance pour nos enfants. Le droit d’être. Et aussi de pouvoir vivre notre vie dans la dignité. Nous ne demandons pas plus, nous demandons d’être vus et traités comme des êtres égaux.


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Speakers

Mme Miriam Ekiudoko

Membre du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine

Mme Martine Brunschwig Graf

Présidente de la Commission fédérale contre le racisme

Mme Rachel M'Bon

Co-réalisatrice et protagoniste du film Je suis Noires

M. Laurent Jimaja

Conseiller administratif, Le Grand-Saconnex, président de la section genevoise de Swissaid

M. Pierre Ruetschi

Directeur exécutif, Club suisse de la presse

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