Elles et ils ont dit, du débat «Comment protéger le citoyen des «pilleurs» de données ?
Elles et ils ont dit, du débat «Comment protéger le citoyen des «pilleurs» de données ?
par Luisa Ballin
Nos données sont devenues l’enjeu de toutes les convoitises et d’un gigantesque business qui remet en cause les bases mêmes du fonctionnement de nos systèmes politiques et économiques. L’attaque récente contre le CICR avec le vol des données de 515’000 personnes le confirme de la plus alarmante des façons. Facebook, Google, Amazon et autres ont basé leur modèle d’affaire sur la capitalisation des données personnelles qui leur permettent de mieux cibler chacun pour vendre pub et marchandise.
Faut-il limiter l’accès aux données ? Comment mieux protéger la sphère privée sans renoncer aux bénéfices pour la société de la transparence et d’une saine exploitation des données ? Comment et qui doit cadrer les GAFA pour éviter les abus ? Telles sont quelques questions abordées lors d’un débat en ligne, organisé par le Club suisse de la presse, animé par son directeur exécutif Pierre Ruetschi.
Regarder le débat en entier : cliquer ici
Mme Solange Ghernaouti, Université de Lausanne, directrice du Swiss Cybersecurity Advisory and Research Group, auteure de Cybersécurité: Analyser les risques, mettre en œuvre les solutions
L’attaque symbolique contre le CICR est un signal fort des jeux de pouvoir dans le cyber-espace, dans le chaos généralisé.
Les données sont des valeurs marchandes. Aux Etats-Unis, la protection des données n’était pas au même niveau qu’en Europe. L’économie du numérique et tous les modèles d’affaires sont basés sur l’extraction et l’exploitation des données. Comment protéger quelque chose qui va être le véhicule de l’économie ? Tout est fait pour inciter à digitaliser, à être connecté en permanence pour avoir des données. La valeur de l’économie est basée sur la croissance des données et leur exploitation. Il ne faut pas s’en étonner vingt ans plus tard…Des choix politiques et économiques ont été fait de ne pas investir dans la sécurité.
M. Stéphane Werly, Préposé à la protection des données et transparence, Genève
Une institution publique genevoise a été piratée, avec une fuite de données personnelles. Cela a été réglé.
Pour lutter contre la protection des données, à titre personnel, je partage l’avis de mes collègues vaudois. Il est clair que l’on doit faire appel à des solutions suisses (en matière de Cloud. Ndlr). Si certains font appel à des entités étrangères, c’est avant tout pour des questions d’argent. Je dis à nos autorités genevoises de privilégier les solutions suisses.
M. Bernard Rappaz, curateur, Edgeland Institute
Aujourd’hui, il y a une prise conscience : on ne maîtrise plus l’utilisation de nos données. Notre ombre numérique finit par être cernée de toutes parts.
Tout cela est né d’une utopie libertaire dans les années 90. Puis on a glissé vers une privatisation de l’internet et on se rend compte que nos actes sont rassemblés dans une société de surveillance. Une économie de la surveillance se met en place et pose un problème majeur, avec une idée précise de qui je suis. Il n’y a jamais eu de discussion politique sur la surveillance de masse…Ce n’est pas trop tard pour sortir du farwest. Cela passe par une discussion citoyenne.
M. Jovan Kurbalija, Directeur de la Diplofoundation
MAAMA is the new term for GAFAM. We are dealing with a new approach of a social contract between citizens and States and now companies, in exchange for protection of anarchy, enabling the functioning of markets and human rights. But it is not happening any more. There are countries that are trying to make this choice as a trade-off.
You have Singapore, which is quite good on protection of digital space. But it comes to the expense of the surveillance of the society. We have a high concentration of cameras in London. Not in Beijing, in London. Therefore, these trade-off that we have to make in the society are very delicate. We will be facing the global debate. One aspect in the Swiss Foreign Policy is interesting. It is called: For digital self-determination.
Me Nicolas Capt, avocat au barreau de Genève, spécialiste en criminalité et sécurité des nouvelles technologies
Il y a un cadre qui s’applique aux GAFAM, qui n’ont pas intérêt à trop se brider. Mais y a-t-il un vrai intérêt politique pour les cadrer ?
Entre la surveillance étatique et ce que font les GAFAM il y a une différence, une porosité entre les deux. Le débat est complexe et évolutif dans le temps. Chacun, à son échelon, doit prendre ses responsabilités pour lutter efficacement.
M. Blaise Lempen, journaliste, auteur de La dictature numérique en marche Société de l’hypersurveillance : un appel à la vigilance
Nous sommes responsables et complices de ce que nous mettons sur les réseaux sociaux qui sont publics.
Il y a une surveillance à des fins commerciales mais aussi politiques. On a donné des pouvoirs accrus à tous les services de renseignements. À force de leur donner ces pouvoirs, on risque de dériver vers un système à la chinoise y compris dans nos pays occidentaux. Il faut renforcer les préposés aux données pour qu’ils puissent faire des enquêtes. Il faut aussi un droit à la déconnection, ne pas mettre nos données sur internet, remplir notre déclaration sur papier, ne pas voter électroniquement, mais par courrier ou physiquement. Il faut aussi limiter les caméras de surveillance et interdire la reconnaissance faciale.